L’uniforme peut-il vraiment favoriser l’égalité entre les élèves ?

L’uniforme peut-il vraiment favoriser l’égalité entre les élèves ?

Début 2023, les députés se sont récemment penchés sur la question de savoir s’il fallait rendre l’uniforme obligatoire à l’école. Si la proposition de loi a été rejetée par les représentants français, la première dame Brigitte Macron avait apporté son soutien à l'idée. « Cela gomme les différences, on gagne du temps », avait-elle déclaré.

Ces perceptions des avantages de l’uniforme sont largement répandues – mais sont-elles vraiment fondées ? Expliquant être « partagé sur la question de l'uniforme et pas encore convaincu que c'est une solution qui permettrait de tout régler », le ministre de l'Éducation nationale Gabriel Attal a néanmoins annoncé « une expérimentation de grande ampleur » pour évaluer l'impact de l'uniforme sur le climat scolaire et le travail des élèves.

Par rapport à la France, le Royaume-Uni a une longue histoire de l'uniforme scolaire, qui précède l’enseignement primaire universel. Cette tradition est renforcée par les représentations de l’école dans les médias populaires britanniques, à travers des films comme St Trinian’s et Harry Potter.

Pour comprendre si l’uniforme scolaire a des bénéfices, nous devons avant tout nous arrêter sur les objectifs qu’ils sont censés atteindre. C’est ainsi qu’avec des étudiants de l’université d’Aberdeen, j’ai mené une recherche sur l’uniforme scolaire dans les 357 écoles secondaires publiques d’Écosse. Dans 96 % de ces établissements secondaires, l’uniforme est obligatoire et l’analyse de leurs politiques montre que diverses raisons sont invoquées pour le justifier, l’accent étant porté sur l’intérêt des élèves.

La raison la plus fréquemment mise en avant est que l’uniforme favorise une éthique, une identité, une fierté et un sentiment d’appartenance. Citons ensuite le renforcement de la sécurité et la réduction de l’absentéisme scolaire, ainsi que la réduction de la concurrence et des discriminations entre élèves ou l’amélioration de l’employabilité. Les écoles ont également déclaré que l’uniforme profiterait à la réputation de l’école et améliorerait les conditions de travail des élèves.

Le gouvernement écossais a récemment déclaré : « Il est reconnu que l’uniforme scolaire joue un rôle important dans l’implication des élèves à l’école, dans la promotion d’un sentiment d’identité et d’appartenance. » Toutefois, il n’est pas possible de déterminer si l’uniforme à lui seul a de tels effets dans la mesure où son introduction coïncide souvent avec d’autres changements tels que l’arrivée d’un nouveau chef d’établissement ou d’une nouvelle équipe de direction au sein d’un établissement.

Gommer les différences ?

Passant en revue les travaux sur la question, l’Education Endowment Foundation n’a pas trouvé de lien entre port de l’uniforme et progrès dans les apprentissages. Selon une autre étude d’ensemble de ces recherches, aucun lien n’a été établi non plus entre uniforme et résultats scolaires.

Invoquée par les écoles écossaises, la sécurité est un argument qui avait déjà été mobilisé aux États-Unis où, dans les années 1990, il s’agissait de réduire la présence des gangs et la violence dans les écoles. En faisant porter à tous les mêmes vêtements, personne ne pourrait savoir qui appartenait à quel groupe ni qui soutenait telle ou telle équipe, pensait-on alors.

Aucune donnée britannique ne permet néanmoins de confirmer que le port de l’uniforme réduirait les tensions. Et les recherches menées aux États-Unis ont montré que, si les enseignants percevaient les écoles comme plus sûres, cela n’avait pas d’incidence sur le ressenti des élèves au quotidien.

Dans plus de 50 des écoles que nous avons étudiées, les élèves s’entendaient dire que le port de l’uniforme les préparait à leur future vie professionnelle dans la mesure où il reproduirait l’environnement de travail. Cependant, les emplois où l’on porte un uniforme ne sont pas les plus nombreux et, sur de plus en plus de lieux de travail, les codes vestimentaires se sont également assouplis aujourd’hui.

Par ailleurs, l’uniforme aurait un impact négatif sur les filles, les jeunes issus d’une minorité ethnique ou religieuse et les jeunes de sexe différent. Les tenues qu’on leur impose vont à l’encontre de leurs besoins, les filles se sentant moins à l’aise pour bouger en jupe, par exemple.

Le coût de l’uniforme

Selon une idée assez répandue, l’uniforme mettrait tous les élèves sur un pied d’égalité, empêchant la concurrence et la discrimination vestimentaire entre les élèves, tout en améliorant la discipline de manière plus globale et en réduisant potentiellement les brimades.

Cependant, au lieu de créer des situations d’équité, certaines réglementations en matière d’uniformes font le contraire. Les tenues peuvent coûter plus cher que les aides financières accordées aux familles pour leur permettre de faire face à cet achat.

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En Écosse, dans le secondaire, il existe une subvention nationale minimale de 150 £ par an, mais la Children’s Society a estimé que l’uniforme coûterait 337 £ par an en 2020. Le port de vêtements d’occasion peut être stigmatisé, c’est pourquoi les banques scolaires distribuent plutôt des uniformes neufs.

De nombreuses écoles ont conclu des accords exclusifs avec des fournisseurs, ce qui peut rehausser le prix de l’uniforme. Parmi les écoles de notre étude, près de 20 % avaient ce type d’accord exclusif. Certaines fournissent aussi une liste d’articles recommandés pour la classe et les cours de sport, en parallèle d’une série d’interdictions. L’interdiction de ces articles courants rend l’uniforme plus coûteux et oblige à constituer des banques d’uniformes.

Le Cost of the School Day de l’organisation caritative Child Poverty Action Group aide par exemple les écoles à mettre en place des politiques d’uniformes accessibles à toutes les familles. Et, en effet, quand un uniforme est demandé, il importe qu’une aide financière suffisante soit accordée aux familles pour les aider à couvrir ce coût. Toutefois, il n’existe pas de base de recherche solide sur laquelle s’appuyer pour justifier l’intérêt d’un uniforme obligatoire à l’école.

Rachel Shanks, Senior Lecturer in Education, University of Aberdeen

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles d'InfoChrétienne.

Crédit image : Shutterstock / Monkey Business Images

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